Histoire

L'histoire d'une Académie, c'est peut-être avant tout l'histoire d'une passion, celle de la pratique de l'art et de la création. C'est aussi, parfois, une forme d'amour-haine entre sensibilités diverses, entre l'esthétique liée à la tradition et les audaces des avant-gardes.

Introduction

Le dépouillement des pièces d'archives nous révèle que l'enseignement académique ne se réduit, certes pas, au cliché qu'a trop longtemps diffusé une certaine vision de l'histoire de l'art, qui ne retenait que les sujets imposés, les plâtres antiques, ou encore les règles d'atelier ressenties comme autant d'étouffoirs. Au-delà du clivage entre tradition et avant-garde, une académie demeure avant tout, par l'ambiance de ses ateliers, le lieu privilégié d'une prise de conscience : celle de l'affinité secrète rapprochant de jeunes artistes. Au nombre des professeurs et anciens étudiants de l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, citons des sensibilités aussi diverses que : François-Joseph NAVEZ, Jean PORTAELS, James ENSOR, Henri EVENEPOEL, Paul DELVAUX, René MAGRITTE, Edgard TYTGAT, Guillaume VOGELS, Hippolyte BOULENGER, Jean BRUSSELMANS, Anto CARTE, CRETEN-GEORGE, Charles DE GROUX, Louis DUBOIS, Eugène LAERMANS, Jean MILO, Théodore BARON, Victor HORTA, Alfres BASTIEN, Jean-Jacques GAILLIARD, VAN RIJSSELBERGHE, Ferdinand SCHIRREN, Pierre PAULUS, Fernand KHNOPFF, Auguste OLEFFE, Edgard P. JACOBS, LISMONDE ;

Citons aussi les pionniers de l'art abstrait en Belgique : Victor SERVRANCKX, Georges VANTONGERLOO, Pierre-Louis FLOUQUET, Marcel-Louis BAUGNIET, ou encore Jules SCHMALZIGAUD, représentant du futurisme dans nos régions.

Il convient aussi de relever le caractère " international " de l'Académie de Bruxelles, fréquentée par de jeunes artistes issus d'horizons divers. Mentionnons le symboliste hollandais Jan TOOROP, l'espagnol de REGOYOS, le surréaliste français André MASSON, les chinois WU Shu Jen et XU Beihong, l'exilé russe Nicolas de STAËL, ou encore TCHANG le copain d'HERGE. Et l'on se surprend à rêver devant la page de l'austère registre d'inscription des cours du soir qui, très laconiquement, mentionne en une froideur toute administrative, en date du 15 novembre 1880, Vincent VAN GOGH et immédiatement sous ce nom " Théophile VAN RIJSSELBERGHE "…

18ème siècle : les prémices de l’Académie

Si la plupart des Académies du XVIIIe siècle trouvent leurs sources dans les intentions centralisatrices des princes, l'Académie de Bruxelles doit sa fondation aux corporations et à la protection d'un pouvoir communal resté puissant dans nos régions.

Cette école trouve son origine dans la chambre de l'hôtel de ville que le magistrat de Bruxelles accorde, le 30 septembre 1711, aux doyens des peintres, des sculpteurs, des tapissiers et autres amateurs " pour y exercer l'art du dessin " ; le 16 octobre de la même année, on établira une sorte d'école.

L'Académie de Bruxelles s'inscrit, dans la tendance d'intérêt exclusif pour le dessin, à l'instar de la plupart des institutions de cette forme qui, lors de leur fondation, se réfèrent au modèle de l'Accademia del disegno fondée à Florence en 1563 et organisée selon les conceptions du peintre VASARI.

Cette attribution " exercer l'art du dessin " va constituer la base même de la pédagogie et de l'organisation administrative de l'établissement du 16 octobre 1711 au 30 septembre 1737 (date à laquelle l'école reçoit son premier règlement).

En 1762, l'Académie passera par une crise interne grave, qui poussera la plupart de ses membres à solliciter la protection de Charles de Lorraine et entraînera une modification de ses structures.

A la requête des étudiants, qui s'inspiraient du modèle académique français, le duc accordera, en 1763, sa " haute protection " à l'Académie de Bruxelles. Après avoir réclamé le projet d'un nouveau règlement " stable et permanent ", Charles de Lorraine insistera sur la nécessité d'enseigner l'architecture civile à l'Académie.

Toutefois la " haute protection " ne s'accompagnant pas, dans nos régions, des riches dotations des académies de France, il sera décidé, en 1768, de faire appel aux particuliers en organisant une importante souscription destinée à obtenir les fonds nécessaires à établir une " Académie de Peinture, Sculpture et Architecture digne de la protection de son Altesse Royale ". En créant les structures et les moyens nécessaires au développement de l'école, la réforme du duc a été bénéfique à l'institution et le gouvernement autrichien encouragera la diffusion de ses règlements auprès d'autres villes désireuses de créer des établissements analogues.

L’entrée de l’Académie dans le 19ème siècle

L'enseignement de l'Académie sera interrompu par les troubles que subiront nos régions à l'époque révolutionnaire. L'Académie rouvrira ses portes en 1800 grâce à un arrêté du maire Nicolas-Jean Rouppe, invoquant son utilité publique.

Les documents du temps nous présentent la période d'occupation française comme une phase de stagnation, voire même de décadence, dans le domaine de l'enseignement des beaux-arts. Cette phase de léthargie de l'école va se prolonger jusqu'à la fin de la période hollandaise.

Après 1830, l'Académie va connaître un renouveau. Afin d'y contribuer F.J. NAVEZ (élève de David et héritier de la tradition néo-classique dans nos régions) est appelé aux fonctions de Directeur ; il mettra à l'étude des projets de réorganisation et d'extension de l'enseignement, concrétisés entre 1835-1836. Il s'attachera également à donner une impulsion nouvelle à l'étude de la sculpture, jetant ainsi la base d'une école qui sera considérée comme l'une des plus prestigieuses à la fin du XIXe siècle. L'académie comptera au nombre de ses sculpteurs : Eugène SIMONIS, Julien DILLENS, Victor ROUSSEAU, Jef LAMBEAUX, Constantin MEUNIER, Georges MINNE, Léopold WIENER, Godefroid DEVREESE, Charles VAN DER STAPPEN, Philippe WOLFERS, Rik WOUTERS et beaucoup plus proches de nous, Jacques MOESCHAL, Rik POOT, Harry ELSTRÖM.

La réorganisation de l'enseignement par NAVEZ sera assortie, en 1835, par l'octroi à l'Académie de Bruxelles, du titre de " royale ".

En 1849, il organisera, en exécution du règlement de 1836, une classe de peinture. En effet, jusqu'à cette date, l'école ne possédait pas de " classe spéciale de peinture ", les élèves complétant leur instruction dans les ateliers privés des peintres les plus réputés du temps. Un an auparavant, en 1848, l'Ecole royale de Gravure avait été réunie à l'Académie ; les professeurs CALAMATTA, BROWN et LAUTERS développeront l'enseignement de cet art. De 1860 à 1862, l'Académie envisagera d'autres projets de restructuration et à l'occasion de cette réforme, des cours généraux plus nombreux seront introduits.

Certaines dispositions du programme insisteront aussi sur l'utilité de promouvoir les arts appliqués à l'industrie et ce, sous l'influence de la grande Exposition qui s'était tenue à Londres en 1851.

Cette tendance aboutira, sous l'influence de Charles Buls, à l'ouverture d'une École des Arts Décoratifs en 1886. Les tendances esthétiques " Arts & Crafts " et les idées d'émancipation de l'individu par l'art sont dans l'air du temps… Réactivant les théories de Ruskin et William Morris et leur nostalgie d'un monde où l'artisanat laissait à l'ouvrier le goût du beau pour lui-même, certains milieux concernés par la question sociale étaient désireux d'encourager la revalorisation d'un travail manuel compris comme artisanat d'art. Baes sera nommé sous-directeur de l'Ecole des Arts Décoratifs dès sa création.

Autre mesure révélatrice des tendances novatrices de BULS, le Conseil académique, en sa séance de janvier 1889, autorise les jeunes filles à fréquenter les cours.

A la fin du XIXe siècle, les mesures prises par Charles VAN DER STAPPEN lors de sa direction contribueront au prestige de l'enseignement et à l'ouverture de l'école aux approches littéraires, ou encore, à un intérêt pour la photographie dans ses relations avec les beaux-arts. Ce même directeur fit acheter une chambre photographique à cet effet. Songeons qu'à l'époque on s'interrogeait sur les interactions possibles entre l'art et la photographie. Charles Van Der Stappen offrira une tribune à VERHAEREN, LEMONNIER, EECKHOUDT. Cette démarche, inspirée par l'exemple du " Groupe des XX " visait à multiplier les échanges entre diverses expressions artistiques. Toujours à propos de ces relations entre littérature et beaux-arts, soulignons la part que prendra l'Académie de Bruxelles dans le courant Idéaliste et Symboliste ; au nombre de ses professeurs et étudiants, nous retrouvons : Jean DELVILLE, Emile FABRY, Fernand KHNOPFF, Xavier MELLERY, Albert CIAMBERLANI, Léon FREDERIC, Constant MONTALD qui formera entre autres élèves … Paul DELVAUX.

En 1912, au départ d'une réorganisation de l'Ecole des Arts Décoratifs, une nouvelle modification des programmes est envisagée par Victor HORTA (directeur de 1913 à 1915 et à diverses reprises entre 1922 et 1931). Cependant, les événements de la première guerre mondiale empêcheront l'application de ce règlement organique, approuvé en 1914 par la Ville. Cette réforme de l'Académie ne sera pas établie lors du retour à la paix et c'est le système des ateliers recommandé par BONDUELLE et LAMBOT qui sera instauré.

En 1936, un arrêté royal organisera sur bases légales l'enseignement de l'architecture et mettra fin aux cours du soir dans cette formation. Un arrêté du Régent, en 1949, placera l'étude de l'architecture au rang d'enseignement supérieur. Des mutations plus récentes transformeront les structures de l'école. L'arrêté royal de 1971 réglementera l'organisation des études des arts plastiques à horaire réduit. En 1972, on établira une section d' " humanités artistiques ". C'est en 1977, que l'enseignement de l'architecture, organisé au type long, va acquérir son autonomie. On établit, en 1980, un enseignement supérieur du IIe degré et à cette occasion, de nouveaux cours généraux furent introduits à l'Académie des Beaux-Arts, contribuant à apporter une réflexion théorique, complémentaire aux travaux et recherches en ateliers.

L'entrée dans le IIIe millénaire a réservé à l'Académie, devenue ESA (Ecole Supérieure des Arts) une profonde mutation, une orientation universitaire et une réforme de son enseignement offrant de nouvelles options aux étudiants et surtout d'y investir tout l'enthousiasme, les recherches et la réflexion qui contribueront à l'art de demain.

Pour plus d'information sur l'historique de l'école, consulter le catalogue d'exposition - Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles - 275 ans d'enseignement (Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique - Musée d'Art Moderne - Mai/Juin 1987) Editeur - Crédit Communal - Bruxelles - 1987 Article de Georges MAYER, pp 21-37.

Le Centre d’études historiques

Le Centre d’études historiques sur l’enseignement des Beaux-Arts dispose d’une structure de recherche en liaison avec la bibliothèque artistique. C'est aussi un centre d’information, il propose une aide à la recherche sur la vie artistique en Belgique en liaison avec l'histoire de l'Académie de Bruxelles. C’est le lieu où vous pourrez trouver les informations sur l’histoire et les archives de l’ArBA-EsA. Il est ouvert aux étudiants, anciens étudiants, professeurs, assistants,… de l’ArBA-EsA et les chercheurs extérieurs.

Contact :
M. Georges Mayer, professeur directeur du centre
Email : info@arba-esa.be
Local : la bibliothèque

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